Portrait de Théo Manfredi : pilote de planeur de haut niveau

À l’approche de l’ouverture de la campagne de candidature pour le statut Etudiant.e Artiste Haut Niveau, Grenoble INP - Ensimag est allé à la rencontre de Théo Manfredi, pilote de planeur de haut niveau, pour un portrait en haute voltige.
Quelle activité sportive pratiquez-vous ? Depuis quand ?
À quel niveau ?


Le sport que je pratique s'appelle le planeur (ou aussi vol à voile). Outre l'aspect technique qui consiste à piloter un planeur, la pratique en compétition est plus proche d'un sport comme les échecs que la musculation. Il faut prendre en compte de très nombreux paramètres pour optimiser le vol et être plus rapide que les concurrents sur un circuit donné. Cela demande une grande concentration qu'il faut étendre sur des vols qui font généralement entre 2 et 6 h.
J'en fais depuis que j'ai 16 ans, sans prétention de faire de la compétition au début. C'est en 2020 que j'ai participé à mon premier championnat de France junior, et ai découvert un intérêt pour la compétition, qui n'a cessé de croître depuis. Suite à des résultats satisfaisants en 2021, j'ai été sélectionné en 2022 pour faire partie de l'équipe de France et participer aux championnats du monde junior. C'est sur un résultat ne me satisfaisant pas (17/45) que je me lance sur cette saison 2023 plein de détermination. Je participe de ce fait à 5 compétitions cet été, en France et en Europe.
 
Comment concilier école d'ingénieur et pratique sportive de haut niveau ?

Je pense que selon le sport pratiqué, cela ne se concilie pas de la même façon. Pour le cas du planeur, la pratique étant dépendante de la météo, la saison des vols se termine généralement fin octobre, et recommence fin mars. Cependant, il n'est pas possible de s'entraîner 2h le soir comme d'autres sports, il est nécessaire d'avoir des journées ou demi-journées totalement libérées.
D'autre part, la pratique de n'importe quel sport en haut niveau demande un engagement très intensif, il faut être au moins aussi bon que les autres candidats. Il faut donc faire une croix sur certains autres aspects de la vie étudiante, comme cela a été le cas avec la plupart de mes vacances. En revanche, l'esprit d'ingénieur est un vrai plus dans ce domaine, par exemple lorsqu'il faut faire des calculs tout en se concentrant sur le pilotage.
 
À quelle hauteur (volume horaire) pratiquez-vous ?

On ne peut pas vraiment estimer un volume horaire pour ce sport, mais l'intégralité de mes week-ends (à quelques exceptions près) sur la saison de vol est consacrée au planeur. De plus, la Fédération Française de Vol en Planeur met à disposition des SHN des stages d'entraînement à Saint-Auban (Alpes du Sud). J'ai donc participé à 5 semaines d'entraînement lors de l'hiver 2021-2022, ainsi que presque toutes les autres vacances sur l'aérodrome de Chérence où je m'entraîne le reste du temps.
Durant l'été 2022, ayant repoussé mon PFE à septembre, j'ai profité des 5 mois de vacances pour m'entraîner en vue des championnats du monde. À noter que le cadre de vie dans un aéro-club est proche d'un cadre de "vacances", en dehors des vols. La pratique du planeur est extrêmement chronophage, car il faut aussi prendre en compte le temps de préparation de la machine avant les vols, le suivi de la météo, l'entretient des planeurs l'hiver...
 
Quels sont vos autres loisirs ?

Je fais de la photo en amateur, mais n'ai pas pu rejoindre InProd, l'association de photos/vidéos de Grenoble INP, par manque de temps.
Je fais aussi du ski, grâce à la proximité de Grenoble.
J'aime aussi faire de la randonnée, mais je n'ai plus eu suffisamment de temps ces dernières années.
 
De quels aménagements horaires bénéficiez-vous ?

Je remercie l'Ensimag pour les aménagements qui m'ont été proposés. Lors de ma deuxième année, certaines matières du SCHEME ont été retirées, me libérant le vendredi après-midi et me permettant d'arranger des déplacements pour m'entraîner. La plus grande plus-value est la libération de certaines semaines d'entraînement, tant en 2e qu'en 3e année.
De plus, ce que m'a aussi permis l'Ensimag, c'est de faire mon PFE en septembre 2022 et non mars 2022, me libérant ainsi l'été pour m'entraîner et participer à des championnats.
 
À quelle filière vous destinez-vous ? et quel serait le job de vos rêves ?

Je viens de finir mon cursus, la soutenance de mon PFE ayant eu lieu il y a une semaine. La start-up que je vais intégrer est celle dans laquelle j'ai fait mon PFE. Elle me permet de travailler intégralement en distanciel, et me libère les semaines nécessaires pour l'entraînement.
Il est possible qu'un jour, je me convertisse en pilote de ligne, qui est le métier prépondérant dans le milieu.
 
Quelles compétences sportives sont reproductibles dans le domaine des études ?

Qu'est-ce que cela vous apporte ?
Les deux milieux sont très éloignés. La concentration et l'endurance sont les principales qualités développées par la compétition et plus généralement les vols en planeurs. Mais étant passionné par l'informatique depuis le lycée, la concentration vient naturellement avec la motivation pour les projets à l'Ensimag.
Un des aspects en lien peut être la concurrence : je ne sais pas si l'on naît avec l'esprit de compétition, ou s'il vient avec le temps, mais j'ai retrouvé ce côté compétitif à l'Ensimag lorsque certains projets étaient mis en concurrence les uns les autres.
 
Est-ce que vos potes sont au courant ?

Oui bien sûr ! Je suis plutôt actif sur les réseaux sociaux comme par exemple Instagram. J'ai déjà emmené plein d'amis faire un tour en planeur !
 
Où pratiquez-vous le planeur ? En avez-vous un à vous ?
J'ai commencé à Bailleau, à côté de Chartres, et depuis 2 ans, je vole à Chérence. La logique d'un club repose sur le bénévolat, c'est un sport où l'on vole seul, mais on a besoin des autres au sol, ou pour les travaux techniques sur les planeurs. Pour être le plus indépendant possible, j'ai acheté mon planeur cet hiver.
 
Que vous apporte le fait d'être seul à piloter ?
Est-ce que vous avez parfois peur ?


Un point qui revient souvent lors de questions est le vertige. Il se trouve que j'ai le vertige, mais pas du tout en planeur ! Et c'est le cas pour beaucoup de personnes. En-dehors de ça, les sensations sont proches de celles d'une montagne russe, en un peu moins forte, lorsque l'air est agité, et sinon, c'est similaire à conduire une voiture, mais avoir à suivre une route ! C'est toujours un moment magique de décoller et profiter des premiers instants de planés, avant que le stress de la compétition ne me rattrape. Le fait de piloter seul n'est pas du tout un frein, et il est possible de piloter seul dès 15 ans.
 
Votre plus beau souvenir en vol ?

En montagne, il est possible de monter en altitude avec un phénomène ondulatoire de la masse d'air, lorsqu'il y a assez de vent. Il est alors possible, en ayant une bouteille d'oxygène à bord, de monter jusqu'à 7 à 8000 m d'altitude. Mon record personnel est de 6 000 m, et on se sent vraiment tout petit à ce moment-là, dans une machine en fibre et en acier de moins de 300 kg, comme suspendue dans les airs.
 
Une anecdote ?
Un vol de 6-7h en planeur équivaut à une fatigue cérébrale d'un marathon ! Vous ne me croyez pas ? Venez essayer !
Si des personnes voudraient me contacter/suivre ma saison de planeur, je poste régulièrement sur Instagram @theomnfrd.